Une causerie paysanne avec l’orchestration d’Ousseynou

A l’initiative d’Ousseynou Sane de Action Sud, une rencontre, rassemblant quelques leaders et membres d’organisations paysannes de l’arrondissement de Fogny est organisée la veille pour le lendemain dans les locaux du Cadre Local de Concertation des Organisations de Producteurs de Fogny. Chapeau Ousseynou ! C’est l’occasion, dans l’atmosphère familiale attachante de la Casamance, de partager les expériences et d’évoquer les enjeux des organisations paysannes.



Aperçu des organisations présentes

Action Sud, Association des Jeunes Agriculteurs de Casamance (AJAC), Cadre Local de Concertation des Organisations de Producteurs (CLCOP), Cadre Régional de Concertation et de Coopération des Ruraux (CRCR), Comité d’Action pour le Développement du Fogny (CADEF), Fédération des Organisations Non Gouvernementales du Sénégal (FONGS), Fédération des Groupements de Promotion Féminine de l’arrondissement de Sindiam, Groupements d’Initiatives Economiques, Radio rurale FM Awagna de Bignona.



- Moussa Badji - Président du CLCOP
Un peu d’histoire : dans les années 1980, le gouvernement sénégalais a souhaité soutenir différemment la production des paysans. Le dialogue n’a pas fonctionné et les politiques étaient en décalage. Suite à cela, les organisations paysannes se sont organisées pour créer des cadres de concertation en demandant à l’Etat d’entendre leur besoin au niveau national. Voyant les producteurs s’émanciper, l’Etat a lancé l’expérimentation d’un CLCOP à partir de septembre 2002 ici en Casamance, puis a élargi le dispositif au territoire national. Ce cadre de concertation permet aux organisations de producteurs de faire remonter leurs demandes et de dialoguer avec le gouvernement sénégalais. Il constitue un niveau très pertinent d’interpellation, de construction d’une parole commune et d’analyse des problèmes. Il permet par exemple d’orienter l’Etat dans le Programme Services Agricoles et Organisation de Producteurs (PSAOP). Le CLCOP regroupe ici 70 organisations de producteurs.

Nous faisons beaucoup de tournées de sensibilisation auprès des populations et l’organisation commence à rentrer dans les mentalités. Nous avons parfois des problèmes de concurrence avec les conseils ruraux. Les paysans sont à présent très écoutés.



- Ousseynou Sane - Action Sud
Le rôle d’Action Sud est d’appuyer l’organisation des producteurs, de promouvoir leur adhésion au CLCOP et de renforcer les capacités du CLCOP. C’est dans la droite ligne des ambitions de notre bureau d’étude associatif : accompagner les réflexions des paysans et renforcer leurs capacités d’action. Action Sud se retirera ensuite lorsque le CLCOP sera devenu autonome. La deuxième phase, conduite par l’Etat, commencera en 2005. Le CLCOP reçoit aujourd’hui des fonds publics sans avoir de statut juridique mais le statut sera défini après la phase d’évaluation.
La boîte à outil du CLCOP ? Un registre de visite, un cahier de banques, un cahier de dépenses, un registre des organisations membres, des méthodes comme le diagnostic participatif, une réunion systématique tous les 26 du mois, une liste des procès verbaux de séances. A noter aussi que le système de comptes bancaires gérés par le CLCOP permet de réguler efficacement les transferts d’argent et d’assurer la transparence.


- Moussa Badji
Comme dans toute organisation paysanne, le CLCOP possède un conseil d’administration et un bureau. Pour votre gouverne, sur ce territoire (département de Fogny), il y a une imbrication d’organisations, de représentations et de relations entre chaque niveau : pour chaque secteur géographique, il y a une assemblée générale et un conseil d’administration. Au niveau inférieur, il y a les groupements (groupements d’initiative économique - GIE ou associations) appuyés par un animateur. Ensuite, on arrive au niveau de l’exploitation familiale.

D’emblée, le CLCOP a développé des formations, puis des appuis à la production des semences et des projets de recherche-développement. Dans la foulée, nous avons travaillé sur le volet santé animale et santé humaine. Tout cela en coopération avec des organismes de recherche (Institut Sénégalais de Recherches Agricoles notamment) ou des programmes de la FAO. Nous avons constitué des coopératives agricoles en rapport avec les filières. Il a fallu former les membres des coopératives agricoles. Aujourd’hui, il nous est difficile d’avoir les moyens d’accompagner les coopératives alors qu’il est fondamental de les soutenir financièrement. Nous avons appuyé des aménagements hydro-agricoles et des unités de transformation et nous lançons une expérimentation sur les mandariniers avec le Fonds national de Recherche Agricole (FNRA). Le CLCOP est membre de la FONGS nationale et du Cadre Régional de Concertation des Ruraux (CRCR). Les groupements locaux sont membres du CLCOP et le CLCOP est lui-même membre du Comité National de Concertation des Ruraux (CNCR).

Bara Goudiaby (animateur du programme Agriculture paysannerie mondialisation - lien) a contribué à impulser cette structure à partir d’autres expériences qu’il avait rapporté de l’extérieur.

- la présidente de la Fédération des Groupement de Promotion Féminine de l’arrondissement de Sindiam
Je suis Présidente de la Fédération des Groupements de Promotion Féminine de Sindiam. Nous avons un bureau, un CA et une assemblée générale. Dans ces groupements, nous avons toujours cette organisation. Les femmes font le maraîchage, des petits commerces et nous faisons aussi de la transformation. Nous vendons aussi nos services sous la forme de prestations (défrichage, cultures...). Nous avons créé cette structure pour lutter contre la pauvreté et l’exode rural des femmes. Il nous a longtemps manqué des moyens. Puis nous avons lancé le système de cotisations. Le PNUD et le programme de développement des ressources humaines (PDRH) de la Banque mondiale nous ont aidé. Néanmoins, nous n’avons très peu de moyens pour former les femmes. Grâce au CLCOP, nous sommes parvenus à partir de 2002, à animer des formations.

Nous nous réunissons à l’occasion de notre congrès national des femmes. Ici, dans l’arrondissement cela représente environ 6000 femmes. Le travail maraîcher ici est très dur. Le problème qui se pose c’est la professionnalisation. C’est une contrainte structurelle qui est là depuis dix ans ! Quelqu’un qui ne cherche pas à se professionnaliser est moins enclin à rendre des comptes et à se responsabiliser. Le maraîchage est perçu encore comme une activité complémentaire, alors qu’il faudrait que les femmes s’y consacre plus entièrement. Professionnaliser impliquerait des réflexes de formation, de planification qui sont prépondérants pour assurer la stabilité d’un marché.


- Ousseynou Sane
L’idée de planification est très importante car dans les villages, quasiment tout le monde produit la même chose et donc il y a un enjeu de planification. Il faudrait parvenir à planifier les écoulements et organiser la distribution. Un observatoire du marché a existé à une certaine époque. Il a été financé par la coopération allemande pendant 5 ans, laquelle s’est retirée parce qu’elle n’a pas senti que l’on pouvait pérenniser l’idée. Aujourd’hui, ce sont les animateurs relais des groupements qui font circuler les informations. La radio communautaire pourrait servir de média pour faire passer ces informations.

Les espaces de formation sont vraiment essentiels. Il faut tirer des leçons pour organiser différemment la prise en charge par les producteurs de la circulation de l’information et de la planification à l’échelle des échanges. Du local au national. L’échelon régional me paraît particulièrement pertinent De toute façon, on ne peut plus être dépendant d’une aide extérieure. Il faut demander maintenant aux femmes comment elle peuvent mieux s’adapter au marché.


- Monsieur Goudiaby - président du CADEF
Continuons là-dessus. Je vois trois problèmes si on professionnalise le maraîchage : le foncier, la concurrence et l’irrigation. Il faudra de l’espace pour développer le maraîchage, nous ne l’avons pas forcément, et si on le trouve il faudra irriguer. Par ailleurs, nous vivons aussi dans des règles du libre échange : on ne pourra pas accepter une trop forte concurrence.


- autre participant
Moi, je pense que le premier facteur, c’est effectivement la professionnalisation. Et le CLCOP peut jouer un rôle la-dessus. Le problème du foncier existe bel et bien sur le plan juridique mais également sur le plan culturel. Il y a des freins passionnels et traditionnels qui perturbent l’exploitation des terres. La radio rurale me paraît intéressante pour valoriser la production locale.


- autre participant
Je crois qu’ici le problème majeur : c’est l’eau. Pourquoi les hommes ne s’intéressent pas au maraîchage ? Parce que ce sont les femmes qui vont puiser l’eau ! Les hommes ne veulent pas. On pense ici que le maraîchage est réservé aux femmes.


Quelques compléments :
- le Projet Fédérateur Sénégal - "Les organisations paysannes face aux défis de la mondialisation"- Le cas de la région de Ziguinchor au Sénégal (format PDF - 260 Ko) -> télécharger





Fogny (Casamance - Sénégal), le 30 mai 2004




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