Objectif santé et mutualisation avec André Wade du GRAIM

A Thiès, André, Jean-Joseph et Marcel du Groupe de recherche et d’appui aux initiatives mutualistes ont vécu les préludes des mutuelles de santé sénégalaises. Depuis lors, l’aventure ne cesse de s’élargir : micro-crédits, support méthodologique aux initiatives, participation aux politiques publiques, expertise ... Présentation ad hoc de cette équipe de choc...





Les mutuelles de santé se sont créées pour combler notamment un manque au niveau de l’Etat. Jusqu’en 1970, les soins étaient gratuits. Ils sont ensuite devenus payant y compris les médicaments. Les populations n’arrivaient pas à accéder aux services de santé. Qui plus est, il y avait une lacune sur la qualité des soins fournis : à Thiès par exemple, personne ne voulait aller à l’hôpital public, les soins n’étaient pas corrects.

Marquée par l’initiative de Bamako au Mali, la politique de santé a été réformée dans plusieurs pays de la CDAO (Confédération des Etats d’Afrique de l’Ouest). Il s’agissait de pousser les états à faire en sorte que ceux qui avaient accès à la santé fassent un effort de mutualisation. En 1996, l’Etat a commencé à s’intéresser aux mutuelles de santé et a mis en place un plan national de développement des mutuelles. Celles-ci étaient reconnues comme une alternative à la gestion de la santé, et il était même envisagé de créer une agence nationale de santé. La volonté de l’Etat n’y suffit pas : le programme d’appui aux mutuelles de santé, par manque de relais, de partenariat et d’ancrage sur les potentialités socio-culturelles ne donne aucun résultat.

Enfin, il fallait passer d’une posture d’assistanat, ce qui était particulièrement le cas pour la santé, à l’idée que les affaires de soins pouvaient être prises en main par la population elle-même, en créant des solidarités et en devenant sensible au concept de prévoyance. En effet, les populations ne savent pas ce que sont les mutuelles. Pour eux, mutuelles égale virtuel. Les gens ont le sentiment de faire un sacrifice et de se faire voler.

Avant le lancement des mutuelles, un sénégalais sur dix avait une couverture santé. Seuls les fonctionnaires et les populations aisées y avaient accès.




Et c’est à Thiès que tout a commencé ?

C’est cela. La première mutuelle de santé a été créée à Thiès. C’est à Fandene que tout a commencé ! Un village de 3000 habitants tout près de Thiès, qui s’est lancé le premier dans l’aventure. Après le succès de cette expérience, ENDA-Graf perçoit l’opportunité de multiplier l’innovation, donne un coup de main logistique et soutient la première rencontre entre les porteurs d’expériences et ceux qui souhaitent mettre en place une mutuelle.

Le Groupe de Recherche et d’Appui aux Initiatives Mutualistes est né de cette innovation. Sa raison d’être est d’accompagner la conduite des nouvelles politiques de santé et de proposer un appui technique aux initiatives mutualistes. Aujourd’hui, nous contribuons à mettre en place des mutuelles un peu partout au Sénégal et nous cherchons à créer une union nationale des mutuelles de santé capable de travailler à une autre échelle. Nos axes de travail sont :

- le développement de la mutualité comme mode de valorisation de toute les ressources,

- la promotion du développement des sociétés locales par l’intégration et la diversification des activités professionnelles,

- la participation aux politiques publiques, la concertation et la mise en relation des acteurs,

- le renforcement des processus de décentralisation et d’appropriation par les populations.
Dans cette optique, nous proposons des outils et des méthodes de gestion et de conseil, la concertation des acteurs de la santé, la collecte de données et la pratique de la réflexion-action.

Nous avons commencé à travailler avec les collectivités locales et avec la région. Tout récemment, nous avons élaboré le plan de développement des mutuelles de santé.

En 98, six mutuelles fonctionnaient sur Thiès. Aujourd’hui on n’en compte 39. Cela représente 70 000 mutualistes sur une population de 1,3 millions habitants. Ces 39 mutuelles de santé sont regroupées au sein de la coordination des mutuelles de santé de Thiès.


En deux mots, comment fonctionnent les mutuelles de santé ici ?

Les mutuelles décident en assemblée générale avec leur partenaire du montant des soins. Le patient qui a versé sa cotisation peut aller se faire soigner et peux bénéficier du taux de remboursement établi (jusqu’à 70% deremboursement). De 1989 à 1998, la priorité a été donné à l’hospitalisation. Aujourd’hui, ce sont les soins de base qui sont prioritaires : avec 1000 FCFA, tu peux te soigner (les salaires moyens sont de 1000 FCFA par jour). Ce n’est pas cher mais ça commence à coûter quand il faut revenir plusieurs fois.

Les retards de cotisations sont le problème des mutuelles quand les revenus sont insuffisants dans les familles. Ce constat nous a amené à mettre en place des micro-crédits sous la forme d’une mutuelle d’épargne. Un adhérents peut venir à la mutuelle pour ouvrir un compte et bénéficier, si son projet tient la route, d’un micro-crédit. Il est possible d’ouvrir un compte avec seulement 5000 FCFA alors que dans une autre banque, il en coûtera 40 fois plus. Les projets soutenus vont du petit commerce aux métiers de bouche en passant par le maraîchage. Cette formule permet d’intégrer et de diversifier la logique de mutualisation au profit des autres secteurs d’activités et de contribuer au développement local. Nous recevons d’une mutuelle de santé belge un co-financement à hauteur de 2 millions FCFA qui nous permet de dégager de l’argent pour le micro-crédit.

En plus des services apportés, les mutuelles sont aussi des outils de prévention et d’information de la population (notamment pour le paludisme, le SIDA et les épidémies de grippe). Par ailleurs, elles concourent à mieux connaître les patients et leurs attentes et favorisent l’établissement de normes de qualité, d’un suivi et d’une évaluation des prestations sanitaires.

Il existe une concertation ouest-africaine des acteurs de la promotion des mutuelles de santé : tous les deux ans un une rencontre est organisée et la prochaine est au Mali.


Quels sont les enjeux pour votre équipe aujourd’hui ?

Nos enjeux aujourd’hui sont d’accroître notre capacité d’assistance, de renforcer notre personnel et nos moyens d’une manière générale. Nous avons besoin de formation sur les nouvelles technologies, ainsi que sur le cadre juridique. Il nous faut préparer l’avenir. Il nous faudrait être plus présent également sur le terrain politique, sur l’orientation des politiques publiques dans le domaine de la décentralisation et de la gouvernance. Nous avons travaillé avec les moyens du bord jusqu’à présent. Nos financements sont à peu près de 150 000 euros par an dont une partie provient du Programme de promotion des mutuelles de santé en Afrique (PROMUSAF) et le reste de nos expertises et d’autres micro-projets.

Ceci étant dit, la qualité nous importe plus que la quantité. Oui, les moyens comptent, mais ce qui compte avant tout, c’est la réalisation de notre vision : comment s’insérer et faire valoir notre pratique dans les processus de prise de décision ?
Nous n’avons pas encore de contact direct avec des bailleurs de fonds. Nous avons des intermédiaires. Ce qui nous arrangerait, ce serait de traiter directement avec les bailleurs de fonds, pour mieux entendre leurs problématiques et aussi être plus libre de pouvoir y répondre, de faire de l’assistance à maîtrise d’ouvrage en quelque sorte. Il nous arrive par exemple de travailler avec des gens qui sont en contact avec les bailleurs de fonds et qui viennent nous voir parce qu’il leur manque des capacités pour agir sur le terrain.

Et enfin nous souhaitons nous relier à des démarches travaillant à d’autres échelles.



André Demba Wade est responsable du GRAIM. Marcel Faye et Jean-Joseph Tine sont respectivement trésorier et chef de projet.


Quelques compléments :

- Le site web de la Concertation des mutuelles de santé en Afrique.

Sélection de fiches d’expériences sur la base de données Dialogues pour le Progrès de l’humanité :

- Les défaillances de l’Etat en matière de santé publique - les politiques publiques sont prises en tenaille entre les pressions extérieures et les blocages internes - voir la fiche d’expérience
- Le nouveau rôle des circulaires du ministère de la santé en Russie face à l’effondrement de la structure hiérarchique - voir la fiche d’expérience
- La santé communautaire, un outil de développement social d’un contrat de ville ? - voir la fiche d’expérience
- Des médecins libéraux dans un réseau de santé publique - l’association pour la promotion de la santé sur le Nord-Isère - voir la fiche d’expérience
- Réflexion sur le mise en place d’un réseau de santé de proximité - voir la fiche d’expérience
- Santé communautaire : mythe et réalité - voir la fiche d’expérience
- Les pratiques et savoirs paysans en matière de santé humaine - le cas du département de Boussu au Burkina Faso - voir la fiche d’expérience

Mots-clés

Aire géo-culturelle: Afrique de l’Ouest
Catégorie d’acteur: Ong - Professionnel de la santé et du social
Domaine d’action: Economie et finances - échanges - Santé - alimentation
Itinéraire de vie: Engagement et volonté - Poursuite des idéaux ou d’une éthique - Refus d’une situation d’impuissance
Méthode d’action: Animation et coordination des réseaux et organisations - Création d’organisations et de réseaux - Echange et valorisation de l’expérience - Elaboration collective d’une stratégie - Expérimentation et innovation - Formation - renforcement des capacités - Organisation du partenariat - Recherche de financement et de pérennité - Relation avec les acteurs institutionnels
Mutation sociale: 1 Diffuser, partager la connaissance et transformer le système éducatif - 2 Promouvoir un développement territorial durable - 2 Promouvoir une nouvelle approche de l’économie, au service de l’ensemble de la société et de la préservation de la biosphère - 2 Promouvoir une société plus juste, plus démocratique et plus pacifique - 2 Réorienter les systèmes financiers pour en faire des outils de développement au service de la société - 3 Développer la citoyenneté active - 3 Réformer la gouvernance locale : promouvoir les principes communs de gouvernance au niveau local - 4 Améliorer la capacité d’intégration des dimensions sociales et écologiques des politiques publiques et privés
Traversées - http://www.traversees.org
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