Farida est kabyle et fière de l’être

Assefoun. Kabylie. Il est 23h. Farida révise. Dans la chambre de la maison familiale, avec ses deux soeurs, elle échange idées et astuces pour venir à bout de ses cours de 1ère littéraire au lycée d’Assefoun. Qu’est-ce que tu fais toi ? Tu es français et chercheur c’est ça ? Moi aussi je voudrais être chercheur, enfin plutôt professeur de sciences islamiques !




Ce n’est pas sans hésiter que je me suis assis sur le tapis de sol de la chambre de la plus jeune génération de la famille Ahbab. Il est très fréquent en Algérie, lorsque l’on est invité par un chef de famille, de ne voir aucun visage de femme. Elles sont bien là pourtant, à s’affairer dans les cuisines, à discuter avec d’autres femmes, à s’occuper des enfants en bas âge dans une pièce voisine. C’est la règle. Elles se dissimulent, comme les invités eux-aussi sont dissimulés en restant confinés dans le salon principal. Là, c’est un peu différent. On visite les deux étages de la maison, le toit en terrasse éclairé par le clair de lune entre Tizi Ouzou la capitale kabyle et les monts du Djurdjura , les réserves et la cuisine, on est joyeux et c’est tant mieux. Certes, nous avons dîné sans les dames autour de la table, mais plus tard, quand nous commençons à discuter avec Farida, la grand-mère, ses deux soeurs et deux de ses frères, arrivent dans la chambre, les femmes en premier chef !


« Oui, c’est ma vie d’être professeur. Je voudrais devenir professeur de sciences islamiques car je peux étudier quelque chose qui est en lien avec Dieu. C’est important pour moi parce que le professeur qui m’apprend les sciences islamiques m’a appris l’histoire du monde et de la vie. C’est ça qui m’a plu. Il m’a donné envie d’enseigner à mon tour. J’aime beaucoup les matières littéraires et les langues. J’apprends l’anglais et l’allemand, le kabyle et le français bien sûr (à partir de la quatrième année d’école primaire).


Je me sens habitante du Maghreb et j’aime beaucoup la Kabylie, ses traditions. Tu as vu ? Il y a la langue kabyle, les montagnes, les femmes qui ont des vêtements particuliers. Ici, il n’y a pas de terros. Les terros, c’est l’armée algérienne. C’est l’armée qui fait des victimes innocentes parmi le peuple kabyle. Les arabes sont contre les kabyles, ils se méfient de nous, mais les kabyles sont forts !


Oui bien sûr, je peux te dire mes rêves ! Je voudrais réussir ma vie, réussir l’école, me marier, avoir une maison. Pour ma famille, je voudrais que tout le monde ait de l’argent et que tous vivent comme dans un paradis ! Je n’ai pas peur du terrorisme en Kabylie car nous sommes moins en danger dans la région, mais il faut que l’on arrête le terrorisme en Algérie. Dans le monde entier aussi. Je vois les jeunes européens à la télé, je vois leur liberté, le travail qu’il y a là-bas. J’aimerais bien aller étudier en Europe. Mais bien sûr, je reviendrai ici. Si je me marie en Europe, je reviendrai avec mon mari ! » .

Une bonne partie de l’altérité kabyle se retrouve simplement dans le remerciement que lance Farida quand il faut aller dormir : « Merci d’avoir parlé en français avec moi ! Bonne nuit à toi ! ».




Assefoun - Algérie, le 7 janvier 2005.






Mots-clés

Aire géo-culturelle: Afrique du Nord - Maghreb
Catégorie d’acteur: Jeune
Itinéraire de vie: Poursuite des idéaux ou d’une éthique
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